"Au retour de ce moment, je souhaitais conserver ce que j'avais vécu
et ne pas le partager. Je l’avais partagé en conscience avec 9 personnes
et c’était notre expérience, un peu comme si nous avions un secret.
L’âme et le corps ont été tellement sollicités, que le repos fut long et intense.
Puis, le réveil macabre d’hier a à nouveau bouleversé mes certitudes,
et je partagerai ceci, qui ne sera qu’un « petit partage » au regard de
l’immense (je n’ai pas le mot) que nous avons vécu.
Se donner
rendez-vous à 2 heures du matin dans un endroit presqu’isolé non loin du
Mont Saint Michel. 4 voitures arrivent les unes après les autres.
Certains se connaissent, d’autres non. Imaginez-vous en pleine nuit ;
vous ne distinguez pas les visages des personnes que vous ne connaissez
pas, que vous n’avez jamais vu, mais, tous ont souhaité faire cette
démarche. La Confiance : premier élément indispensable. Pas totale mais…
Nous démarrons, nous nous approchons de la baie, à pied, en chaussures.
Un équilibre, des équilibres se créent, dans ce qui apparaît être
quelque chose de bien déséquilibrant : avancer sans ses repères
habituels, avec un sol capricieux.
Faire un arrêt pour, tous, se
déchausser. Aborder la marche, ce que nous sommes venus chercher,
lâcher, prendre, vivre, avec de nouvelles sensations. Un autre sens
vient se greffer aux autres nouvellement sollicités : cet « autre »,
c’est le toucher. Près de 20km solliciterons mes plantes de pieds,
tantôt du sable, soyeux, rêche, amalgamé, dur, formant des vaguelettes,
dans un sens, puis dans un autre ; tantôt de la vase, glissante,
s’insinuant entre les orteils, ainsi, tout le pied est sollicité ;
tantôt de l’eau, fraîche, douce ou salée, avec ou sans courant…
L’histoire d’une Vie. Monter. Descendre. Bifurquer. Revenir en arrière
pour mieux avancer. En sécurité, sans cesse mise à l’épreuve par notre
guide. Il est patenté, et est responsable des personnes qui composent
son groupe.
Et s’approcher. Le voir, de plus en plus près, de
plus en plus net, de plus en plus éclairé par le soleil qui se lève ; il
est 5h30.
L’approcher est difficile, il nous échappe ; nous
l’avions abordé par cette face que très peu connaisse, le Nord, et
l’eau, et les sables ne nous permettent pas, cette fois sans doute, de
passer. Nous revenons sur nos pas, et le respectons en passant par
l’autre face.
Entrer. Arpenter la rue principale. Gravir les
nombreuses marches, jusque tout là haut, et se baigner du soleil qui
nous aveugle. Cette lumière qui naît. Renaît le jour à cet endroit où
tout est paisible. La vie sereine est là. Elle débute son mouvement. Le
monde s’éveille maintenant. Le tumulte est après…
Alors non cette
fois je ne marquerai pas « je suis Nice » et ne ferai pas d’autres
allusions, pour ne pas surenchérir dans l’atrocité que l’on sait. Non.
Je ne parlerai que de choses positives, constructives, apaisées.
Le Partage que nous avons vécu, je vous souhaite de tout cœur le vivre
avec vos proches, ou des personnes qui pourraient le devenir. Les
Échanges que nous avons eus, je souhaite de tout cœur que vous en ayez.
Ainsi, petit à petit, germerons des liens autour de vous, et qui sait,
peut-être est ce un vœu pieux, ces liens pourraient faire barrage à la
haine."
Vincent Gaudre