jeudi 19 mai 2016

Moment de grace et révélation

Ce matin, je vais faire une petite visite à mon médecin pour divers petits problèmes sans gravité aucune.

Comme à son habitude, il m'envoies deux ou trois blague et me tend un document intitulé : 
"Soirée poésie"Lumières"...
(Cette soirée aura lieu le 18 juin 2016 à 19 h 30, 140 rue de Clignancourt dans le 18ème)

Mon médecin, en dehors d'être un très bon praticien, est également poète. En regardant la programmation qui va d'Andersen en passant par Axel Bauer, Edgar Allan Poe, Guy Béart ou encore Arthur Rimbaud, je luis fais part de mon étonnement devant une programmation aussi hétéroclite... Il me dit que lui, ce sera Arthur Rimbaud avec le "Dormeur du Val".

Je lui explique que c'est probablement le seul poème que j'ai réussi à retenir, c'était en CM2, j'avais 8 ans et qu'il m'avait profondément marqué par sa beauté et de sa dureté... Étonné par l'apprentissage de ce texte à un si jeune âge, il commence à déclamer le dit poème.

Comment dire :
"Moment de grâce !!!
Petit miracle !!!"

Et plus il avançait dans sa prestation, plus ça montait et ce qui devait arriver arriva : Il termine son récit, je suis en larmes... Il m'a offert un moment magique et rare...

Quel drôle de médecin quand même mais il n'y a pas que ça et voici qu'arrive enfin le temps de la révélation.

Lorsque je suis tombé gravement malade fin 2013, début 2014, j'allais le voir tous les 3 jours. Lors d'une visite, voici la conversation que nous avons eu :
Lui : "Vous n'allez pas faire comme mon frère et m'obliger à vous faire subir un pontage..."
Moi : "Euh, mais pourquoi me parlez-vous de votre frère, je ne le connais pas..."
Lui : "Pourtant, vous l'avez vu hier soir à la télévision..."
Moi : "Euh, non, je ne vois pas du tout..."
Lui : "Je suis le frère du Cardinal de Lyon, le Cardinal Barbarin..."
Nous venions de sortir du débat ignoble autour du Mariage pour Tous où le Cardinal avait été d'une violence inouïe vis-à-vis de la communauté gay...
Lui : "J'imagine que vous ne l'aimez pas beaucoup..."
Moi : "Non, pas vraiment..."
Lui : "Ne vous inquiétez pas, vous n'êtes pas seul..."

En l'observant deux secondes, toutes les images me sont revenues, c'est le même, en plus grand et en plus gros mais lui, avec un humour très caustique, très acide, très efficace et surtout avec un ouverture d'esprit hors norme. Il est  médecin, poète et lecteur, d'où la déclamation de tout à l'heure...

Je suis donc soigné depuis plus de 20 ans par le frère poète du Cardinal Barbarin, Primat de Gaules. Pour une ancienne Soeur de la Perpétuelle Indulgence (il est d'ailleurs au courant), c'est un peu la cerise, que dis-je, le cerisier sur la religieuse...

Le dormeur du val

"C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
 
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort.
Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
 
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit."
Arthur Rimbaud

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