Gros coup de gueule partisan, radical et assumé. Je dirais âme sensible s’abstenir mais bon …
Alors comme çà en 2017, à priori, c’est encore possible qu’un pays situé géographiquement en Europe soit en train de mettre en œuvre un processus d’extermination de masse d’homosexuel-le-s, préconise aux parents de tuer leurs enfants LGBT et que rares ou frileuses soient les réactions. Et pour ceux qui seraient tentés de dire : « Oui, mais le président, il en a parlé à Poutine ». Non, mais je rêve. En premier lieu, c’est la moindre des choses. Deuxièmement, je crois qu’on a vu plus rapide, non ?
En 2017, un ministre peut faire partie du gouvernement français tout en ayant tenu des propos discriminatoires et haineux vis à vis des homosexuel-le-s. Pardon, j’ai dû mal comprendre la notion de changement et de moralisation de la vie publique. Et pour ceux qui me rétorqueraient : « Mais, il s’est excusé »… Combien d’années plus tard ? Et surtout pour quelles raisons ? Ou encore, pour ceux tentés par un : « Mais, le ministère duquel il dépend n’a rien à voir avec les homos". Oui, et alors ? Je peux en avoir rien à foutre de l’environnement et être ministre du budget ???? …
En 2016 et 2017, un animateur de télévision peut sous couvert d’humour gras - dont nous avons l’habitude, j’en conviens -laisser divulguer en plein plateau l’identité d’un de ses chroniqueurs sans réagir, évoquer jusqu’à 26 fois dans un mois l’homosexualité avec des propos méprisant et dénigrant l’homosexualité, jusqu’à en arriver à, sans l’avertir, piéger un homosexuel en direct. Et pendant, des jours et jours, s’excuser tout en ne s’excusant pas … pour finir par porter plainte contre le président d’une association d’accueil de jeunes homos qui se font jeter dehors. Pourquoi ? Parce qu'on n'est pas vraiment sûr que les propos de ce président d'assos relatant le fait que le jeune homme qui a été piégé et sorti du placard sans son consentement en pleine émission, ait réellement été mis à la porte de chez lui. Sérieusement ? Combien de temps, allons-Nous continuer cette « trashitude » de bas étage ? Pour ceux qui me répondraient que cet animateur n’est pas homophobe ou encore que ce n’était qu’un stupide canular qui a mal tourné, je leur répondrais que nous nous trompons de sujet lorsque pendant des heures et des heures, de commentaires en commentaires, nous discutons, débattons du caractère homophobe de ceci ou encore de cela.
Trêve de niaiserie sémantique !!! Lorsque des propos ou des comportements sont méprisants, peuvent heurter, ils le sont et les uns et les autres nous le savons. Il suffit de se mettre 30 secondes à la place de la personne sur laquelle porte ces propos pour entrevoir le caractère blessant qu’ils peuvent avoir. Et si nous n’avons pas l’empathie suffisante, il suffit de demander à ton copain PD ou gouine.
Oui, au fait, j’oubliais j’ai le droit de le dire mais pas toi si tu ne l’es pas. C’est une règle - au passage, je l’ai bien mérité – celle de détourner l’insulte en faire-valoir. Oui, je l’ai bien mérité parce que depuis FB, Twitter, et Cie mais aussi une certaine nonchalance décomplexée de paroles, à chaque publication où le mot homosexualité est nommé dans le titre, je note avec effarement que la notion de liberté d’expression en France est totalement méconnue. Alors, pour faire simple « Oui, tu peux penser ce que tu veux. Non, si tes propos sont racistes, sexistes, antisémites et homophobes, tu ne peux pas les exprimer en place publique, les crier haut et fort sous peine de sanction». Tout simplement parce qu’en France (parce que selon les pays, cette notion peut être définie différemment), nous - et si ce n’est pas toi, c’est ton grand père ou encore tes parents - nous nous sommes mis d’accord années après années, siècles après siècles, que, pour vivre en bonne intelligence toutes et tous ensembles, certains propos étaient interdits. C’est qui se fonde une partie de notre contrat social en France. Et, si tu as doutes quand tu t’exprimes, je te renvoie aux lignes précédentes...
Oui, j’ai bien mérité le droit de crier haut et fort quand on bafoue mes droits ou celui de mes copains PD. Ne serait-ce que parce qu’après, près de 10 de militantisme, entre une première organisation de Gay Pride en Province ou encore mes sorties de cornettes avec les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, je réalisais avec effroi, que j’avais tellement bien intégré les interdits que moi, je n’y pensais même pas à me marier, que je ne mesurais pas l’injustice, ne serait-ce que fiscale, de ne pas pouvoir le faire. Qu’au même moment, que je prenais conscience que j’avais bien intégré cela, au tréfonds de moi, je me tapais, comme bien nombre d’entre nous, presque tous les mois, voire toutes les semaines, le fait que parce qu’un jour j’allais peut être me marier, j’allais foutre en l’air le modèle sociétal français ... ou je ne sais quoi d’autre, que j’entendais relayer et encore relayer les propos d’élus de la République, les plus débilitants les uns que les autres ... ou encore – le pire à mes yeux – je me retrouvais face à des enfants, portant des tee-shirts, des pancartes avec des propos dont ils ne comprenaient pas la portée eu égard à leur âge, qu’ils ne se doutaient pas, un seul instant que cela pouvait profondément blessé quelqu’un ou quelqu’une. J’en rajoute une couche ? …
Tant qu’on y ait, alors « la Gay Pride ne donne pas une bonne image de l’homosexualité ». Comment te dire ? Je te propose un bref et trop succinct, petit topo. Les principes fondamentaux de cette manifestation sont les suivants (désolée pour les fanas d’histoire, je la fais courte) : quoi que tu fasses, quoi que tu dises, qui que tu aimes, quelque soit ta manière de vivre ton homosexualité, tu es libre et fière de toi. Je suis libre d’être, libre d’être différente - même avec une plume dans le cul, ce jour-là, si cela me chante, te chante - mais, surtout, surtout je suis fière de moi.
Au fait, au passage, nous devons beaucoup aux travelos, aux trans, parce qu'elles, parce qu'eux, à la différence de moi, ils/elles sont encore plus visibles et donc plus interrogeant … et sans doutes de ce fait, plus aguerris aux propos en tout genre, aux jolis quolibets et autres, et, par conséquent, ont, en général, une plus grande répartie que toi, moi. Je dis ça, je dis rien. (Bisous, mes chéries).
Pour revenir à la Gay Pride, alors oui ce jour-là, nous nous lâchons, nous rions, nous faisons la fête, nous sommes insouciants, tout simplement, parce qu’en groupe, un jour par an, la masse des personnes qui m’entoure (avec qui je n’ai peut être qu’un seul point commun), me montre que je ne suis pas seule. Je prends une bonne dose de communauté, histoire de tenir le coup. Et puis, aussi, tant qu’à être libre, autant en profiter pour faire voler en éclat les représentations du masculin et du féminin (papa bricole, maman repasse), pour les plus radicaux-radicales d’entre nous.
Encore un peu … Il y a quelques jours, je tombe sur un post sur mon mur, une vidéo partagée d’un jeune homo qui explique, tout content, qu’il a trouvé enfin des éléments scientifiques qui permettraient de dire que l’homosexualité est normale. Comment te dire ? D’une part, ces recherches se baladent depuis des années, d’autre part, démontrer par a+b que l’homosexualité est normale ne permettra sans doutes pas de contrecarrer des croyances (j’y reviendrai), enfin je peux comprendre qu’en étant concerné on se pose des questions et que l’on soit heureux de partager la réponse vraie ou fausse qui nous convienne mais sérieusement, il ne t’ai pas venu en tête le détournement que ce genre de propos, de résultats s’ils s’avéraient vrais, pourraient subir ???? Et le pire dans tout cela, c’est que ce sont des ami-e-s hétéro qui likent.
Comment vous dire ? N’y prenez aucun ombrage personnel, mais même si je l’interprète comme une preuve de la véracité du vieil adage « L’enfer est pavé de bonnes intentions », vous pourriez peut être demander aux intéressé-e-s ce qu’ils en pensent – en termes d’éléments de langage. In fine, l’objectif de tout et toute homosexuel-le est sans doute plus d’être accepté par son entourage, plutôt que d’être défini comme normal-e ? Ou encore, croyez-vous, que c’est avec des propos scientifiques, démontrés que l’on démonte des a priori, des croyances … Alors, pour vous, qui avez liké, sachez que ma porte est ouverte, grande ouverte pour parler pour échanger sur mes années de militantisme que vous jetez à la poubelle sans vous en rendre compte …
Quant aux commentaires dénonçant un « Lobby LGBT », petit retour sur le passé. Depuis 1981, l’homosexualité n’est plus interdite en France. J’ai donc le droit de vivre librement mes amours sur la place publique sans risquer d’être emprisonnée pour atteinte aux bonnes mœurs. Ou encore, depuis 1992 en France, l’homosexualité n’est plus classifiée comme maladie mentale. Je n’ai donc plus le risque d’être internée par ma famille. Car in fine, pour ceux qui auraient oublié, c’était bien cela qui pendait au nez de toutes et tous les homos : être emprisonné ou être interné par sa propre famille. Alors, oui, comme la plupart d’entre nous, d’une part, lorsque nous nous sommes avoués notre attirance pour le même sexe, cela avait un petit goût amer de potentiel rejet dans la foulée. Et dans ces moments-là, nous avons, pour la plupart d’entre nous, eu un petit coup de pouce de la part d’un PD ou d’une gouine, simplement pour nous faire sentir que nous n’étions pas seul-e-s. Alors, j’ai peut-être le droit de me regrouper occasionnellement quand mes droits sont bafoués.
Jaloux ? Jalouse ? Mais, franchement, en tant qu’hommes ou femmes, en tant qu’enfants, qu’handicapés, salariés et j’en passe, il y a tant et tant d’années de mouvements sociaux qui vous – et j’en profite aussi – nous, accompagnent. Pourquoi nous ne pourrions pas faire pression comme ton grand-père qui est sortie dans la rue pour avoir ses congés payés (dont nous continuons de profiter) ou comme ta mère ou ta tante ou ta cousine qui se sont battues pour avoir le droit à la pilule ? Et, tout comme, tant d’autres mouvements sociaux qui nous ont permis à toutes et tous d’avoir plus de droits, de libertés.
Enfin, je lis ces derniers jours « Oui, mais la Tchétchénie c’est plus grave, que ce canular qui a mal tourné ou encore ce ministre qui a tenu des propos haineux ou encore cette petite vidéo ou encore .. ; je ne sais quoi ». Effectivement, ces actes, évènements sont différents en terme de gravité. Je crois que nous sommes toutes et tous d’accord. Néanmoins, le fondement de ses actes est identique : la peur de l’autre, une croyance. Et la croyance ne se combat pas ou ne s’interroge pas avec des éléments scientifiques, mais avec des éléments de langage précis…
Avec un César ? J’avoue. J’ai quelques des doutes, même si pour les plus curieux, le visionnage de ce film leur permettra de se plonger dans un passé pas si vieux que cela. L’époque où sous prétexte que cette saloperie de Sida ne concernait que les homos, rien n’était fait, aucune recherche lancée, aucune réflexion sur les postures des soignants, et qu’il a bien fallu que l’on se débrouille, se débatte seul-e-s dans un premier temps, tout en enterrant nos amis qui tombaient les uns après les autres. Et qu’après toutes ces années de combat, c’est ton fils ou ta fille qui en profitent. Ne serait-ce qu’à travers les programmes de prévention qui parlent de toutes les maladies sexuellement transmissibles et qu’il ou elle, de fait, aura peut-être moins de risque de choper une maladie vénérienne grâce à nous, les PD et les gouines !!!
Parce que malgré tout cela, tous ces propos, tous ces petits rappels, mon gros coup de gueule, ces avancées notables dans les droits LGBT sont fragiles, précaires à certains moments et nécessitent une constance vigilance. Ah, oui … j’oubliais et si nos luttes, ma lutte peuvent en aider d’autres et bien j’en suis ravie.
Magali Reuter
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