Pour bien
commencer l'année, une photo qui a été prise hier (03/01/25) par
Jérôme Walczak dans le
Marais, Rue Saint Merri. Y aurait-il un début de commencement de prise de
conscience ?
Et pour
assoir le message clair de cette photo : Un texte flippant, alertant, alarmant,
effrayant sur un cancer "orgasmique" qui ronge notre chère communauté
: Le chemsex. Merci Erik Remespour ta lucidité qui te caractérise tant.
Merci !!!
Chemsex : La
Vie sous Contrôle Chimique
I. Une
Révolution sous Séringue
Dans les
ruelles du Marais, sous les néons de Berlin ou dans les alcôves sombres des
clubs, le sexe a changé de visage. Il n'est plus libre, sauvage, viscéral.
Aujourd'hui, il est asservi. Une seringue dans le bras, un cristal écrasé dans
une cuillère, une ligne blanche parfaitement alignée. Bienvenue dans l'ère du
chemsex, où le plaisir est conditionné à la chimie et la liberté sacrifiée sur
l’autel des drogues de synthèse.
Tina, la
maîtresse cruelle, règne sur les nuits queer. Elle promet des heures d'orgasmes
frénétiques, des corps galvanisés, des esprits exaltés. Mais elle est aussi une
déesse vengeresse. Injectez-la, et elle vous brûlera de l'intérieur. Le slam —
cette injection intime — n’est pas qu’une technique, c’est un rite de passage.
On ne consomme pas Tina ; on se soumet à elle.
La révolution
sexuelle s’est transformée en quête d’extase artificielle. Ce n’est plus une
lutte pour le plaisir, mais pour tenir, encore et encore, dans un marathon
sexuel où la performance écrase le désir. Les backrooms ne sont plus des lieux
de rencontres ; ce sont des laboratoires d’expérimentation, où les corps se
consument à petit feu.
II.
L’Épidémie Silencieuse
Les chiffres
parlent, mais personne ne les écoute. Combien de vies broyées par les overdoses
? Combien de contaminations au VIH et à l’hépatite C ? Combien d’esprits
brisés, abandonnés sur le carrelage froid des clubs ou dans l’isolement
étouffant des chambres à coucher ?
J’ai vu des
amis tomber. Pas d’un coup, mais par étapes. D’abord, les yeux vides, le
sourire mécanique. Puis les rendez-vous annulés, les excuses maladroites.
Enfin, le silence. La spirale est implacable : on consomme pour oser, puis pour
tenir, puis parce qu’on ne sait plus faire autrement.
Les
psychiatres décrivent un cercle vicieux : la drogue désinhibe, facilite, mais
elle détruit aussi le lien. On ne baise plus par envie, mais par nécessité
chimique. Et quand la drogue disparaît, il ne reste que le vide. Un vide
immense, dévorant.
III. Le
Déclin du Marais
Le Marais, ce
bastion historique de la culture queer, se meurt. Les bars se ferment, les
backrooms disparaissent, les rues perdent leur âme. À leur place ? Des vitrines
de luxe, des marques sans âme. Et nous, où sommes-nous ? Sur Grindr, bien sûr,
où chaque profil scande « Chem only » ou « Slam me ». La connexion humaine
s'est digitalisée, et avec elle, notre humanité s’est évaporée.
La
gentrification a vidé les lieux physiques, et les chems ont vidé nos cœurs.
Nous sommes devenus des ombres, errant entre des soirées chimiques et des
matinées solitaires. Nous avons échangé la communauté contre une solitude
collective, un réseau d'individus isolés, connectés uniquement par les pixels.
IV. Une
Génération sous Contrôle
Le chemsex
n’est pas seulement une crise sanitaire ; c’est une crise spirituelle. Nous
avons perdu le sens du toucher, du regard, du lien. Le sexe, qui était
autrefois un acte de rébellion, est devenu une performance stérile. Les
drogues, loin de libérer, nous enchaînent.
Mais pourquoi
en sommes-nous arrivés là ? Parce que la vie elle-même est devenue
insupportable. Le poids de la norme, le spectre du rejet, la pression de la
perfection. Alors on s’évade, un trip à la fois. Les drogues deviennent une
armure, une carapace chimique qui nous protège de nos propres insécurités.
Et pourtant,
nous savons que cela ne durera pas. Que chaque injection, chaque dose, nous
rapproche un peu plus du point de rupture. Mais nous continuons, parce que
c’est plus facile de plonger que de se battre.
V. Reprendre
le Contrôle
Alors, que
faire ? Interdire ? Moraliser ? Non. Les drogues ne sont pas le problème. Le
problème, c’est ce que nous en faisons. Ce qu’elles font de nous. Les chems
peuvent être des alliées, mais jamais des maîtresses. Nous devons les
domestiquer, les utiliser, et non nous soumettre à elles.
Cela commence
par la parole. Parler des risques, sans jugement. Partager nos expériences, nos
peurs, nos échecs. Trouver des espaces où l’on peut être vulnérable, sans honte
ni culpabilité. Et cela passe aussi par la communauté. Recréer des liens,
réinvestir les lieux queer, remettre l’humain au centre.
Il est temps
de reprendre nos corps. De les aimer pour ce qu’ils sont, pas pour ce qu’ils
peuvent accomplir sous l’effet des drogues. De réapprendre à jouir, à danser, à
vivre, sans Tina, sans slam, sans fuite.
VI. Une
Renaissance Possible
Notre
communauté a survécu à pire. Au sida, aux violences policières, à l’ostracisme.
Pourquoi serions-nous vaincus par les chems ? Nous sommes une révolution en
marche, une force de vie. Mais pour cela, nous devons nous rappeler qui nous
sommes. Pas des consommateurs, mais des créateurs. Pas des ombres, mais des
flammes.
Les clubs,
les bars, les backrooms ne sont pas morts. Ils attendent que nous les
réinvestissions. Avec nos corps, nos rires, nos danses. Reprenons les rues, les
pistes de danse, les lits. Pas pour fuir, mais pour nous retrouver.
Brûlez, mais
vivez. Consommez, mais créez. Et surtout, aimez, car c’est la seule révolution
qui en vaille la peine.
Erik Remes